Les répercussions de l’AÉCG sur l’alimentation au Canada
Posted: September 19, 2012
Categories: Nouvelles
L’accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne est une entente commerciale que le gouvernement fédéral et ceux des provinces négocient avec l’Union européenne depuis 2009 et qui sera vraisemblablement signée d’ici la fin de cet été. Bien que les négociations entourant l’AÉCG se soient en grande partie déroulées à huis clos, les versions préliminaires qui ont été divulguées nous permettent néanmoins de nous faire une idée assez juste du contenu de cet accord. À l’instar de la plupart des accords de libre-échange, l’AÉCG couvre une vaste gamme d’aspects, qui vont des services de gestion des eaux à l’exploitation des ressources. Cet accord comporte en outre d’importantes conséquences sur l’alimentation et l’agriculture.
L’AÉCG est unique en ce sens qu’il constitue le premier accord de libre-échange international ratifié par le Canada à toucher le secteur MESSS (municipalités, enseignement, services de santé et services sociaux). Par l’entremise de cet accord, les gouvernements municipaux et leurs agences seront ainsi soumis aux règles du libre-échange international. Cela a probablement davantage d’impact dans le secteur des marchés publics. L’avocat Steven Shrybman indique que « l’inclusion des marchés publics infranationaux au sein de l’AÉCG constitue sans doute la principale exigence de l’Union européenne. » Lorsque l’AÉCG sera ratifié, les contrats de marchés publics en matière de biens et services dont le montant excède 340 000 $ et ceux reliés à la construction dont le montant est supérieur à 8 500 000 $ seront ouverts aux entreprises européennes. Au Canada, tous les paliers gouvernementaux seront obligés d’octroyer ces contrats au plus bas soumissionnaire. Ceux qui s’opposent à l’accord craignent que ce dernier ne délégitimise de manière importante les politiques et programmes publics actuels en matière d’achat local, en plus de nuire à la future mise en place de mesures similaires. Bien que les municipalités soient déjà assujetties aux plus bas seuils fixés par les marchés publics en vertu de l’Accord sur le commerce intérieur (ACI), un accord commercial interprovincial dont le but consiste à faciliter les échanges commerciaux entre les provinces canadiennes, ce dernier ne menace aucunement les programmes voulant stimuler l’achat de produits et services canadiens, et ne s’applique pas à l’approvisionnement des aliments qui seront revendus – ce qui comprend la majeure partie des aliments achetés par les entreprises de services alimentaires.
Les versions préliminaires de l’AÉCG comprenaient des clauses qui auraient affaibli les secteurs soumis à la gestion de l’offre; depuis lors, ces clauses ont été exclues des négociations. Toutefois, les agriculteurs canadiens seront tout de même assujettis aux clauses de l’AÉCG protégeant la propriété intellectuelle. Celles-ci permettront aux entreprises européennes de geler les comptes bancaires et de saisir la propriété et l’équipement agricole des agriculteurs réputés avoir violé les droits de propriété intellectuelle sur les semences, même si leurs terres ont été contaminées de manière involontaire. Les plus récents textes divulgués font également état de conditions qui pourraient ouvrir davantage le marché européen au bœuf, au porc et au canola canadiens. Certaines critiques, dont celles émanant de la National Farmer Union (NFU), soutiennent toutefois que cela ne sera possible qu’à la condition que le Canada adopte des normes similaires à celles de l’Europe en matière d’organismes génétiquement modifiés.
L’AÉCG permettra probablement d’accroître la percée des sables bitumineux canadiens sur le marché européen. Or, l’intensification de l’extraction de ressources brutes mène souvent à ce que les économistes appellent la maladie hollandaise : l’augmentation des exportations de ressources fait croître la valeur de la devise d’une nation, ce qui augmente le prix de ses exportations et affecte ultimement son secteur manufacturier. L’impact de ce phénomène est potentiellement marqué pour le secteur manufacturier ontarien déjà chancelant de même que pour celui de la transformation alimentaire; il pourrait d’ailleurs mener à un ralentissement de l’économie de la province.
Semblable au chapitre 11 de l’ALÉNA, la procédure de règlement des différends entre l’État et les investisseurs inclus dans l’AÉCG est un autre élément aux conséquences importantes pour les gouvernements canadiens. Cette procédure octroie aux entreprises étrangères le pouvoir légalement reconnu de poursuivre les gouvernements canadiens en justice s’ils prennent des décisions qui affectent leurs profits. Toutefois, contrairement au chapitre 11 de l’ALÉNA, la procédure de l’AÉCG s’applique à tous les paliers gouvernementaux.
Plusieurs groupes ont pris part aux discussions entourant l’AÉCG et ont mis sur pied des campagnes afin d’éduquer les Canadiennes et les Canadiens sur ce qu’ils considèrent être le principal problème. Depuis le début des négociations, le NFU a mené une campagne afin de mettre en lumière les conséquences de l’AÉCG sur l’agriculture. La coordonnatrice de la filiale ontarienne de la NFU, Ann Slater, a récemment envoyé une lettre (PDF) au premier ministre Dalton McGuinty pour le mettre en garde contre ces conséquences et pour demander à la province de ne pas ratifier l’AÉCG, à moins que ses clauses soient amendées de manière à en atténuer les conséquences. Le Conseil des Canadiens est également à l’origine d’une campagne musclée contre l’AÉCG, bien que cette organisation soit davantage intéressée par les questions se rapportant à l’eau, aux produits pharmaceutiques et à l’approvisionnement. Considérant les effets potentiels de l’AÉCG sur les municipalités, la Fédération canadienne des municipalités (FCM) s’est elle aussi abondamment prononcée dans le dossier de l’AÉCG, faisant la promotion de ses sept principes en matière d’échanges internationaux libres et équitables et ayant récemment publié une déclaration de soutien suite aux propos du ministre du Commerce international, Ed Fast, qui s’est engagé à s’assurer que ces principes seraient respectés.
Les municipalités canadiennes accordent de plus en plus d’attention à l’AÉCG. Le 5 mars dernier, la Ville de Toronto, soit le sixième plus grand gouvernement au Canada, a suivi l’exemple d’une douzaine d’autres municipalités au pays et a entériné une motion visant à demander à la province d’émettre une exemption pour la ville. Pour une liste des municipalités qui ont adopté des mesures contre l’AÉCG, veuillez cliquer ici.
Pour en apprendre davantage sur l’AÉCG, veuillez suivre les hyperliens apparaissant ci-dessus et consultez la page du site web du gouvernement du Canada à cet effet.